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1802 : le tout jeune Muséum devient éditeur scientifique et publie les premières Annales. 2018 : presque 220 ans plus tard, les périodiques du Muséum sont publiés en flux continu, disponibles en accès libre diamant et au format XML. Cette modernisation technologique opérée par l'équipe des Publications scientifiques s'est étalée sur 20 ans.
En 1997, les Bulletins du Muséum national d'Histoire naturelle changent de forme et prennent les noms des périodiques que nous connaissons aujourd'hui. La Section A, Zoologie, biologie et écologie animales devient Zoosystema ; la Section B, Adansonia : Botanique, Phytochimie devient plus simplement Adansonia ; enfin, la Section C, Sciences de la Terre, paléontologie, géologie, minéralogie devient Geodiversitas. La revue Anthropozoologica, quant à elle, rejoint les rangs des journaux scientifiques du Muséum en 2004, pour ses vingt années d'existence. Elle est suivie par l'European Journal of Taxonomy (EJT), lancée en 2011, qui jouera un rôle d'incubateur pour la mise en place de nouvelles technologies pour les revues du Muséum.
Dès 1997, celles-ci entrent de plain-pied dans l'ère des revues scientifiques internationales. Car au-delà d'un simple changement de format, c'est leur mode de fonctionnement dans son intégralité qui vit une véritable révolution : alors que les Bulletins étaient gérés par l'assemblée des professeurs du Muséum, le processus d'acceptation des nouveaux périodiques s'appuie désormais sur une évaluation par les pairs, et chaque revue, gérée par un rédacteur en chef, est cautionnée par un comité scientifique composé d'experts internationaux reconnus. Alors que les Bulletins héritaient d'une longue tradition académique, les nouveaux journaux se dotent de titres courts, favorisant la citabilité des articles d'une part, le bon référencement de la revue sur internet et par le Journal Citation Report d'autre part, ainsi que d'une maquette commune. La parution régulière des articles — les derniers vendredis de chaque trimestre — sur papier et sur internet à partir de 2000, et l'ouverture des revues aux articles en langue anglaise finissent de les professionnaliser aux yeux de la communauté scientifique internationale.
L'indexation par le Journal Citation Report et l'obtention d'un facteur d'impact pour Geodiversitas, Adansonia et Zoosystema d'abord, puis pour Anthropozoologica et, enfin pour le tout jeune EJT, consacreront ces efforts. L'élargissement régulier de la distribution des revues du Muséum ces vingt dernières années, via les échanges de la Bibliothèque centrale au départ, puis via le site des Publications scientifiques (en 1999, 2004 et 2015 pour la version actuelle) et le portail BioOne (en 2009), s'est aussi révélé une stratégie gagnante. Les articles publiés dans les revues du Muséum sont désormais distribués dans plus de 2 500 universités, et accessibles en ligne, gratuitement et librement, sur le site internet des Publications scientifiques.
Les revues scientifiques du Muséum doivent accroître encore leur rayonnement et maintenir leur haute qualité technique et scientifique. Le passage à un flux de publication continu répond à une demande accrue de réactivité de la part des chercheurs. La conversion des articles au format XML permet, à la fois, l'archivage pérenne des articles et le renseignement des grandes bases de données de la recherche. La distribution des articles, d'un côté via le site des Publications scientifiques et de l'autre, via BioOne, ainsi que l'intégration des anciens numéros dans la Biodiversity Heritage Library permettront aux résultats scientifiques originaux confiés aux revues du Muséum de perdurer encore pendant des décennies.
Un bref chapitre du De naturis rerum d'Alexandre Neckam (II, 24) mentionne l'existence d'un poisson qui vit dans les mers septentrionales, possède un œil unique en forme de bouclier triangulaire et constitue la proie de l'ours blanc. Il s'agit de la toute première mention de ces deux animaux dans un ouvrage de nature encyclopédique. Si le second ne pose pas problème, il n'en va pas de même du premier. Nous passons en revue les différents mammifères marins des régions arctiques susceptibles de se cacher derrière cette mystérieuse description. Nous identifions les sources (le Liber monstrorum et l'Énéide) qu'a utilisées Neckam dans ce passage. Nous discutons la qualité de monstruosité de ce poisson-cyclope. Nous étudions enfin la réception et l'influence de ce chapitre du De naturis rerum: comme il ne fut repris ni par Thomas de Cantimpré ni par Barthélémy l'Anglais, le poisson-cyclope disparut des ouvrages encyclopédiques. Ce chapitre fut en revanche la source probable de l'apparition de l'ours blanc dans les bestiaires anglais qui, jusque-là, l'ignoraient.
Les études médiévales sont revenues plusieurs fois sur la pêche et la consommation des cétacés. Le terme générique de baleine est souvent employé, soit faute de pouvoir discerner mieux l'espèce de mammifère, soit par méconnaissance de la diversité des sous-ordres des mysticètes et odontocètes. Avec la contribution de la cétologie, il convient de reprendre le dossier des ballenae pour chercher, derrière le vocabulaire altomédiéval très pauvre, les espèces réellement rencontrées au haut Moyen Âge. Les mentions de cétacés sont topiques et partent de la description d'un monstre. La littérature antique livre au Moyen Âge la vision d'un animal de très grande taille et agressif quand il s'agit du cetus ; le delfinus, considéré au même titre que tous les animaux marins comme un poisson, véhicule à l'inverse des valeurs positives, mais reste entouré également d'une image fantastique. Au mystère qui entoure l'origine des baleines, venant forcément des mers lointaines, s'ajoute le mystère encore plus grand des eaux atlantiques, largement ignorées des auteurs antiques. Le haut Moyen Âge propose alors des mentions de cétacés mêlant observations et références encyclopédiques succinctes. Les sources suggèrent deux modes de prélèvements : la pêche en mer et la prise d'animaux échoués, pratiques qui ne permettent guère de spécifier les animaux capturés.
Conrad Gessner's (1516-1565) discussion of cetaceans and sea-monsters as part of the same distinct group of animals (HA 1558) highlights how in the work of mid-sixteenth century naturalists the taxonomical interacts with cultural, literary, and scholarly tradition. In addition to listing physical characteristics shared by all members of the group, Gessner refers to literary sources which blur the line between whales and monsters, to linguistic causes of such confusion, and to descriptions of cetaceans by various classical, mediaeval, and early modern authors. Alongside anecdotes about real but little-known cetaceans, he presents a range of monster-sightings and draws a connection between classical sirens, aquatic fairies and mermaids. Gessner's encyclopaedic approach means his discussion is embedded in the scholarly dialogue of the mid-sixteenth century and provides insight in the thoughts of several of his contemporaries on cetaceans, the position of monsters in a taxonomy, and the existence of sea-monsters.
Cet article traite de l'existence dans la littérature irlandaise, et dans une moindre mesure dans la littérature du Pays de Galles, de deux développements parallèles dans l'utilisation des références aux poissons et aux animaux aquatiques et marins. Le premier est l'utilisation de la symbolique, souvent analysée comme le résultat d'une évolution d'un récit mythologique, comme dans la légende galloise de Taliesin. Le deuxième, bien moins étudié, est l'utilisation descriptive liée à une expérience directe, ou aux attitudes sociales et culturelles, face à la pêche dans ces pays au Moyen Âge, comme par exemple dans la poésie irlandaise de la collection Agallamh na Senórach, « La conversation des anciens ». Le but de cet article est de montrer que la symbolique (ou le mythologique) n'est qu'un aspect de la représentation de la nature dans la littérature irlandaise et la littérature galloise. Il sera montré, par une comparaison entre la Navigatio sancti Brendani, un texte latin de composition irlandaise, et le Voyagede Saint Brendan, son adaptation anglo-normande, que l'on observe une augmentation significative des éléments réalistes de la description des poissons et des êtres marins dans les textes dont le lectorat avait une connaissance directe de la mer et de la pêche.
Rythmée par des estuaires échancrés, la côte picarde médiévale offrait de vastes étendues sableuses propices à la capture de poissons marins, migrateurs et ubiquistes, ou à l'échouage de mammifères marins. Cet espace incertain, situé entre terre et mer, constituait alors des zones d'approvisionnement en nourriture suffisamment riches pour que les seigneurs laïcs accordent des donations en milliers de harengs frais à plusieurs communautés religieuses du nord du royaume, tout en revendiquant les captures d'espèces royales comme l'esturgeon, le saumon ou le marsouin. La restitution de l'exploitation des animaux marins dans leur environnement médiéval, appréhendée et étudiée à partir des sources archéologiques ou documentaires, offre une vision satisfaisante mais non exhaustive. Elle fournit deux visions d'une même réalité historique, parfois en faveur des vestiges osseux, avec des spectres faunistiques très larges, des traces de préparation ou une identification des saisons de capture, parfois en faveur des textes, avec des mentions d'espèces non osseuses comme les lamproies, des indications de quantités capturées ou de pratiques frauduleuses. Ainsi, cette restitution de l'exploitation des animaux marins, issue de la confrontation de sources archéologiques et documentaires, contribue à la connaissance d'un éventail ichtyologique particulièrement riche, témoin indiscutable d'une mer nourricière. En revanche, elle demeure muette pour l'avifaune estuarienne et marine. Plus ponctuellement, elle permet de suivre les quantités de poissons capturés au fil des siècles et de localiser les lieux de consommation, parfois très éloignés à l'intérieur des terres.
Even if it played a part, it is not so much the lesser availability of elephant ivory as the Norse expansion in the Northern Atlantic that brought the success of walrus ivory throughout Western Europe and far beyond. The strength of demand did not only bring the extinction of the species in Iceland, but it was also, most probably, one of the main drivers of the sustained Norse settlement of Greenland. Maybe for the first time, at least for such an important luxury production, the division between the places the commodity was gathered and those it was processed is complete. The main workshops were in Norway, mostly in Trondheim, but also in Germany, in England, long after the end of the Danelaw, and even in France and in Castila. Raw tusks were traded, but also carved ivories, which sometimes went back to the initial collection point. Another ivory exported from the Arctic seas, narwhal teeth are even more problematic. The Greenland Norse probably never were in contact with the live sea mammal, but would find its inidentifiable body, or fragments of it, on the shore, after the animals had been eaten by killer whales.
La pluralité terminologique est une des principales caractéristiques du rapport des humains au morse (Odobenus rosmarus (Linnaeus, 1758)). Par une approche lexicographique, nous proposons de préciser et de mettre en relation les uns avec les autres, les termes qui désignent le morse dans l'Europe septentrionale au long des siècles médiévaux et jusqu'à la Renaissance. Ces zoonymes sont à la fois nombreux et ambigus, certains désignant davantage l'ivoire que le morse. Nous prendrons pour cela appui sur des sources narratives, des sources juridiques et des sources de la pratique. Par une réflexion sur les mots, nous aborderons par exemple l'histoire de l'alimentation et la symbolique de l'animal.
A new trend in political theory is to question whether cultural practices clash with moral concerns about animal welfare. On the one hand, there is widespread concern to protect cultural distinctiveness; on the other, cultural distinctiveness may mean treating animals in cruel ways. In this article, I articulate this debate using the case of the killing of a bull in the Ukweshwama practice from South Africa. By engaging with the literature on multiculturalism, I question whether Zulus in South Africa are entitled or not to practice the killing of a bull during Ukweshwama. I respond to this question affirmatively, by defending that for reasons of autonomy, moral loss and legal consistency, Zulus are entitled to continue their practice.
Mutokolwe is located in the northern part of South Africa. The site was occupied by Venda-speaking farmers during the Late Iron Age. One of the most unusual aspects from this faunal assemblage is the presence of complete metapodia of cattle and sheep. No other faunal assemblage from farming sites in southern Africa contains as many complete specimens, including long bones, as that from Mutokolwe. Skeletal completeness is one of the signatures which signal feasting activities from the archaeological record. Feasting has been recognised in different parts of the world, including Africa. Based on ethnographic accounts, feasting was also common amongst Bantu-speaking farmers of southern Africa, and in particular, Venda-speakers. Taking into account limitations posed by archaeological, ethnography and early historical descriptions, we suggest that the complete long bones of livestock signal feasting activities at Mutokolwe. The faunal assemblage from the site contains an unusual high percentage of identifiable remains, indicating that it was likely subjected to biased sampling. Moreover, few wild animals are present in the assemblage, which suggests, sampling biases aside, that domestic animals were favoured in feasts possibly due to their association with people and ancestors.
En Inde, les statuts des différents bovins doivent être compris à la lumière des usages matériels qui sont faits de ces animaux, mais également des volontés politiques d'en contrôler l'abattage. L'élevage des vaches et des buffles est engagé dans un processus de spécialisation laitière. Dans le même temps, les mouvements nationalistes hindous cherchent à interdire la mise à mort des premières. De longue date, les bovins au sens strict (Bos taurus ssp. et Bos indicus ssp.) sont valorisés, voire sacralisés, en Inde, alors que les buffles (Bubalus bubalis sp.) sont considérés comme des animaux malfaisants propices au sacrifice. Pourtant, ces deux espèces ont longtemps fourni du lait et de la force de travail à l'économie agraire, ainsi qu'une viande peu coûteuse aux groupes marginaux impliqués dans leur équarrissage ou dans leur abattage. La consommation de viande bovine, de quelque espèce qu'elle provienne, est de la sorte très fortement associée à un statut social et moral inférieur. Ces dernières décennies, l'interdiction de l'abattage des vaches s'est renforcée, dans une volonté nationaliste de définir l'Inde comme un pays fondamentalement hindou. Dans ce contexte, l'élevage des buffles a été privilégié dans l'économie laitière : plus aisément mis à mort, ceux-ci fournissent des carcasses valorisées sur le marché mondial. Ainsi, l'Inde a récemment accédé au premier rang des exportateurs de viande bovine. Les statuts multiples et fortement conflictuels des bovins ne sont donc pas uniquement un fait de culture : les sphères politiques et économiques, mais également les interactions affectives avec les animaux, participent de la négociation et de la contestation des différentes relations entretenues à la fois avec les bêtes et avec les viandes qui en sont issues.
SPECIAL SECTION: ANIMAUX AQUATIQUES ET MONSTRES DES MERS SEPTENTRIONALES (IMAGINER, CONNAÎTRE, EXPLOITER, DE L'ANTIQUITÉ À 1600)
Du 31 mai au 3 juin 2017 s'est tenu au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle un colloque international intitulé « Animaux aquatiques et monstres des mers septentrionales (Imaginer, connaître, exploiter, de l'Antiquité à 1600) », organisé par le Centre Michel de Boüard — Craham (UMR 6273, Université de Caen Normandie — CNRS). L'introduction aux actes de ce colloque présente d'abord le contexte scientifique, celui des programmes de recherche Dyrin (histoire de la faune septentrionale au Moyen Âge) et Ichtya (histoire des savoirs sur les poissons de l'Antiquité à la Renaissance) auxquels participent les organisateurs du colloque. Une rapide mise au point historiographique présente l'état des études sur l'histoire des animaux du Nord, où la bibliographie reste encore trop rare, loin de couvrir toutes les thématiques, notamment celle de la perception européenne de la faune Scandinave. Ensuite nous résumons l'état des connaissances sur l'histoire des savoirs ichtyologiques antiques, médiévaux et renaissants, avec une attention particulière portée sur l'habitat des espèces marines, la dénomination des poissons et mammifères marins et leur usage dans l'alimentation humaine. Enfin, nous présentons les différentes communications publiées dans le volume, classées selon les thématiques développées pendant le colloque (identification, dénomination et classement des espèces; étude des produits de la mer, pêche, commerce et consommation; littérature, représentations, imaginaires et allégories).
À part les triton(e)s, divinités gréco-romaines bienveillantes, aucun autre type de monstre anthropomorphe n'a été localisé en Méditerranée dans l'Antiquité. La situation est très différente dans les mers nordiques, à l'époque médiévale. En effet, cette catégorie d'hybrides y apparaît un peu plus fournie, davantage diversifiée et désormais ambivalente, les valeurs positives dont ceux-ci sont parfois porteurs semblant directement liées à leur culture d'origine ou d' « adoption », à l'inverse de leurs connotations négatives résultant de la diabolisation dont le monstrueux a fait l'objet par l'Église. La présente communication se propose de présenter brièvement cette faune très particulière, de préciser le contexte dans lequel elle s'est développée, et d'expliquer les raisons de son extraordinaire succès, tant dans le domaine de l'écrit que dans celui de l'art et même de l'héraldique. Ainsi, il sera question d'un imaginaire dominé par l'élément marin et imprégné de la croyance en un monde marin symétrique du monde terrestre, et de l'histoire particulière de chaque hybride concerné — qu'elle commence à l'Antiquité ou qu'elle soit ancrée ab initio dans les cultures septentrionales. On constatera alors dans tous les cas, que celles-ci ont joué un rôle déterminant dans l'élaboration et/ou dans l'évolution de leur concept, voire dans celui de leur forme. On terminera en se demandant pourquoi l'homme et la femme-poisson ont fini par devenir une sorte de motif passe-partout dans l'illustration de certains grands traités d'histoire naturelle de la fin du Moyen Âge, alors que la tradition textuelle les présente sous une toute autre morphologie.
Le présent article est consacré à l'analyse de la représentation des animaux et monstres marins dans la plus ancienne chronique polonaise, la Chronica et Gesta ducum sive principum Polonorum, rédigée entre 1112 et 1116 par un auteur anonyme traditionnellement désigné par le nom de Gallus anonymus. Les animaux et les monstres marins occupent une place modeste dans l'œuvre, puisqu'ils apparaissent essentiellement dans deux fragments, à savoir la prétendue chanson des soldats polonais après la prise de la ville poméranienne de Kołobrzeg, et une phrase dans lequel l'auteur anonyme compare les soldats tchèques à des monstres marins. Cependant, malgré cette faible place sur le plan quantitatif, il convient de souligner que cette représentation est totalement intégrée au schéma narratif de l'œuvre, puisque la mention concernant la consommation de poissons marins a pour but, tout comme l'ensemble de la chanson sur la prise de Kołobrzeg, de célébrer la reconquête des régions côtières par Boleslas « Bouche torse », tandis que les diverses références aux monstres marins visent à exalter le courage du souverain polonais et de ses soldats. La présence des animaux et des monstres marins contribue donc à la célébration de Boleslas, qui est le but principal de la chronique, et cette inclusion du monde maritime dans le panégyrique du duc de Pologne a pour effet de suggérer que même la mer était soumise au bon vouloir de Boleslas.
De mai 1373 à août 1379, le duc et la duchesse de Bretagne, exilés en Angleterre, séjournent majoritairement dans leurs possessions du centre-est du pays, limitrophes de la mer du Nord. Les archives départementales de Nantes conservent quatre rouleaux de comptes de dépenses de bouche pour les années 1377–1378, rigoureusement tenus par le contrôleur. Le report quotidien des frais engagés pour les tables du duc et de la duchesse permet une évaluation relativement précise de la consommation de trente et une espèces marines: 22 espèces de poissons, cinq de mollusques, deux de cétacés et deux de crustacés. On y met au jour les goûts plus ou moins affirmés pour le poisson frais ou de conserve, pour les mollusques, le poids des contraintes alimentaires (jours maigres et Carême), les saisonnalités spécifiques à cette région côtière et les consommations attendues d'espèces considérées comme des critères de distinction (cétacés), voire franchement inattendues. La comparaison avec un compte conservé lorsque le duc est en Bretagne permet d'évaluer les différences dans les régimes alimentaires et la façon dont la cour ducale s'est pliée ou non aux pratiques anglaises.
La grande pêche harenguière fait son apparition dans les derniers siècles du Moyen Âge et se concentre dans les eaux septentrionales (Baltique, mer du Nord, Manche). Elle devient une manne pour les marchés urbains en demande de nourriture abondante et peu chère. Le hareng est alors un produit de masse dans le Nord de l'Europe et fournit des marchés essentiellement urbains. Cela suppose d'avoir en amont les techniques de pêche et de navigation suffisantes pour un tel ravitaillement. En cela, la pêche harenguière constitue une nouveauté car elle ne s'organise plus à l'échelle locale. Les lieux de la pêche prennent la forme d'une série de nœuds emboîtant entre eux différents parcours qui suivent la migration du poisson. La mer devient alors une sorte d' « arrière-pays » maritime des marchés urbains. Puis, lorsque les harengs sont débarqués, les pouvoirs publics prennent à leur égard nombre de dispositions (lutte contre la fraude, contre les prises trop nombreuses...) qui montrent l'importance sociale du hareng. Tout cela contribue à la création d'un personnel spécialisé, donnant ainsi naissance à la figure du marin-pêcheur, concurrent nouveau du paysan-pêcheur qui évoluait jusqu'alors sur les rivages septentrionaux. De ce point de vue, les mers nordiques deviennent un nouveau centre géographique dans l'économie européenne.
Cet article étudie la manière dont Thomas de Cantimpré, compilateur dominicain, traite l'information ichtyologique de sa propre contrée dans son encyclopédie latine intitulée Liber de natura rerum (c. 1242–1247), ainsi que sa postérité dans les ouvrages qui s'en inspireront directement. La première partie analyse les passages dans lesquels Thomas de Cantimpré fournit des indications géographiques sur la faune marine, en mettant l'accent sur les quelques sections qui mentionnent le nord-ouest de l'Europe et les nomenclatures vernaculaires. La position du compilateur est paradoxale: d'une part, Thomas de Cantimpré est familier de la faune de la région dont il est lui-même originaire, mais d'autre part, les autorités qu'il cite habituellement proviennent principalement du milieu méditerranéen et ne donnent parfois pas d'information précise à ce sujet. Le second volet prend en considération la réception de ces chapitres dans la traduction flamande de Jacob van Maerlant et dans l'Hortus sanitatis (XVe siècle) par l'intermédiaire du Speculum naturale de Vincent de Beauvais. Dans cette perspective, nous prêtons une attention particulière aux silences, c'est-à-dire aux passages omis dans cette chaîne de transmission. En effet, ces omissions apportent aussi des indices sur l'approche épistémologique de Thomas de Cantimpré, en comparaison avec ses successeurs, en prenant en considération les conditions spatiales, temporelles et linguistiques de cette compilation.
La vie de l'ermite Godric de Finchale, rédigée en latin par le moine anglais Reginald de Durham d'après le témoignage du saint ermite, peu après la mort de ce dernier en 1170, est un récit hagiographique exceptionnellement riche en pêches miraculeuses, qui livre des informations sur la faune aquatique présente au siècle dans l'estuaire de la Welland et dans les rivières des environs de Durham. En des moments clés de la narration, les animaux aquatiques jouent un rôle de premier plan : l'histoire de trois dauphins échoués, ainsi que l'abondance de savoureux saumons, qui se précipitent dans les filets du saint dès que le besoin s'en fait sentir, n'ont rien de fantaisiste ni d'anecdotique. Cette œuvre donne des indications d'une précision rare sur la manière dont ces animaux sont pris et mangés, en évoquant notamment une activité de ramassage à marée basse, ou encore, en rapprochant la chair grasse du saumon cuit de la viande de porc. Le biographe est un contemporain du saint et vit lui-même dans la région. Il connaît bien le contexte géographique et social des miracles racontés et accorde un soin particulier à la reconstitution de l'événement, sans perdre de vue la morale chrétienne de l'histoire. Ces créatures aquatiques septentrionales sont chargées d'une valeur symbolique conforme au projet hagiographique d'édification, tout en contribuant à une évocation réaliste de l'écosystème et en conservant des particularités qui les éloignent singulièrement du modèle idéal de l'ichtus divin.
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